Le texte musical - De la liberté d'interpréter

L'imprimerie au cours de la 2° moitié du 15° siècle transformera définitivement l'évolution de la notation musicale, l'écriture se standardise.
A la fin du 15° siècle, les carrés et les losanges deviennent des notes arrondies.
Bien qu'uniformisée, la notation ne représentera pas un texte immobile. Le "virtuose" peut improviser, inventer.
La musique de la Renaissance foisonne de "diminutions" (ce sont des fractionnements des valeurs longues pour insérer des mélismes, des gammes ou des ornements) et de "passagi" (formules mélodiques apprises par cœur).
Cette fonction de "virtuose interpréte professionnel" connaitra son essor à la fin du 16° siècle (Gabrieli, Cabezon)
"L'interprétation ne se réduit pas à l'obéissance au texte. Le texte est prétexte à "excursions" de toutes sortes de la part du musicien".
Hermann Finck dans son "Pratica Musica" en 1556 dit que "le caractére de la 'coloratura' dépend de l'habileté et de la personnalité du musicien interprète : toutes les voix doivent être 'ornées' mais pas simultanément ; chaque voix ressortira à son tour"
Ces ornements sont décoratifs par rapport à la structure de base.
Au temps du madrigal, l'accentuation est très libre et fonction du texte, de la structure poétique.
Fin 16° - début 17° siècle, les barres de mesures très utilisées dans les mouvements de danse se généralisent. Elles marquent les "séquences" musicales, et les accents.
N.B. : Kenneth Gilbert nous disait "Méfiez-vous des barres de mesures". En effet, elles sont devenues peu à peu systématiques mais les accents ne sont pas toujours réguliers au sein de la métrique concrétisée par la barre de mesure.
Jusqu'au 18° siècle la notation reste flexible (basses chiffrées par exemple)
L'instrumentaliste était le complice du compositeur qui ne lui transmettait que les grandes lignes (Tartini, Corelli, Haendel). Les "da capo" des arias de l'époque baroque sont prétextes pour les chanteurs, à démontrer leur virtuosité, leur talent vis-à-vis de l'auditoire.
Le BON GOÛT doit prédominer.
Même les éditeurs n'avaient pas toujours le souci de l'authenticité des œuvres.

Adaptations permises
Coupes : Frescobaldi : "dans les ricercare, canzones, on pourra arrêter sur une cadence si l'œuvre parait longue"
Rameau : (pièces de clavecin, 1724) "on pourra se passer des doubles lorsque ceux-ci paraitront trop difficiles"
Rajouts : Charpentier : "ici, l'on joue tel motif que l'on voudra".
Réduction, augmentation du nombre de voix.
Modification des tempi : Frescobaldi : "certains Kyrie" pourront être joués "tantôt vifs tantôt lents" selon le "jugement" de l'exécutant.
Quantz en 1752 dans "Essai d'une méthode pour la flûte traversière" : "Dans le cas d'un concerto ou d'une sinfonia, on joue la redite plus vite pour ne pas endormir l'auditoire".
Suppressions partielles : Rameau : "on ne doit pas être tenu à l'impossible", si la main ne peut embrasser toutes les notes, on abandonnera celles qui ne nuisent pas à l'intégrité du texte (chant).

© 2000, 2003 Jacques Fischer, Hervé Lauret, Pour une utilisation quelconque du contenu de cette page, merci d'en demander l'autorisation préalable

parcours..